On ne voit bien qu’avec le cœur

Publié par Géplu

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samedi 29 août 2020
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    Anwen
    30 août 2020 à 5h12 / Répondre

    Le Cœur c’est l’Axe autour duquel tout tourne.
    « Voici mon secret : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux », dit le Renard au Petit Prince.
    « L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.
    « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
    « C’est le temps que j’ai perdu pour ma rose… fit le petit prince, afin de se souvenir.
    « Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose.
    « Je suis responsable de ma rose… répéta le petit prince, afin de se souvenir. » (Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, extrait)
    Si le visible parle aux sens et s’adresse en première ligne à l’être externe, l’invisible parle à l’Âme et la pénètre.
    Selon Pierre Teilhard de Chardin, la conscience humaine peut retourner au point où les racines de la matière disparaissent de la vue : « Je ne vois pas avec mon œil, mais à travers lui. » (William Blake)
    Eva de Vitray Meyerovitch, considérée comme une très grande spécialiste du soufisme et de l’Islam, expliquait en 1982, dans la revue Question de que, sous l’effet du symbolisme, la pensée est incitée à un effort personnel, à une curiosité provoquée, à une recherche. Le premier pas sur la voie de la connaissance mystique sera ce pressentiment d’un au-delà de ce qui n’était perçu que comme une réalité concrète. Dès lors, commence le voyage de l’extérieur vers l’intérieur, de l’apparence à l’inconnu.
    Paule Amblard nous dit que « Le symbole est une fenêtre sur l’invisible… Cette ouverture, cette élévation qui nous dépouille de tout attachement à la matière, ce cœur qui s’ouvre, écoute et perçoit au-delà du sens naturaliste. Cette acceptation de la mort et ce retour en enfance. Redevenir enfant ne signifie pas infantile, au contraire, il s’agit de retrouver cette pureté, cette nudité, cette spontanéité, cette confiance d’enfant. Une confiance aimé par le ciel… ».
    Aussi, selon l’Evangile de Matthieu, si nous redevenons comme des « petits enfants » nous entrerons dans le « royaume des cieux ».
    Ayez une Âme d’enfant et la nature vous dira ses secrets.
    Et la même auteure d’écrire dans son livre Un Pèlerinage intérieur : « Il y a dans la vie une source intuitive qui nous pousse au-delà de notre raison. On répond à ce que cette force nous dicte sans trop se demander pourquoi. Ce n’est pas une réaction à un événement, pas une pulsion, mais quelque chose de plus enfoui, une certitude des choses qui dure une seconde mais qui transforme votre vie lorsqu’on la suit. ».
    Cette intuition intellectuelle et supra-rationnelle dont il semble qu’on ait perdu jusqu’à la simple notion, c’est véritablement la connaissance du cœur, suivant une expression qui se rencontre fréquemment dans les doctrines orientales.
    Pour les modernes, le cœur se trouve réduit à ne plus désigner que le centre de l’affectivité, alors que pour les Anciens, il était regardé comme le siège de l’intelligence, non pas de cette faculté tout individuelle qu’est la raison, mais de l’Intelligence universelle dans ses rapports avec l’être humain qu’elle pénètre par l’intérieur, puisqu’elle réside ainsi en son centre même, et qu’elle illumine de son rayonnement.
    Blaise Pascal, dans les Pensées, écrit : « C’est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce qu’est la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison. »
    La connaissance du cœur, c’est la perception directe de la Lumière intelligible, de cette Lumière du Verbe dont parle « saint Jean » au début de son Évangile, Lumière rayonnant du Soleil spirituel qui est le véritable Cœur du Monde.
    Ceci donne l’explication d’un symbolisme suivant lequel le cœur est assimilé au soleil et le cerveau à la lune.
    Quand le Soleil de la Connaissance spirituelle se lève dans le ciel du cœur, dit le Védânta, il chasse les ténèbres, il pénètre tout, enveloppe tout, et illumine tout. Celui qui a fait le pèlerinage de son propre « Soi », un pèlerinage dans lequel il n’y a rien concernant la situation, l’espace ou le temps, qui est partout, dans lequel ni le chaud ni le froid ne sont éprouvés, qui procure une félicité permanente et une délivrance définitive de tout trouble ; celui-là est sans action, il connaît toutes choses, et il obtient l’Éternelle Béatitude.
    Cet état est ce que, dans l’hindouisme, on appelle jivan-mukta.
    Felix qui potuit rerum cognoscere causas ! : Heureux celui qui peut connaître les causes premières des choses !
    Cette expérience est à ce point merveilleuse que le fait, pour un individu, de la vivre, bouleverse complètement sa conception du monde et le reste de sa vie.
    Aussi, la connaissance ne peut être acquise que par une compréhension personnelle que l’homme doit trouver seulement en lui-même : « Connais-toi toi-même », disait l’expression inscrite sur le fronton du temple de Delphes.
    Aucun enseignement « conventionnel » n’est capable de donner la connaissance réelle. Sans cette compréhension, dit René Guénon, aucun enseignement ne peut aboutir à un résultat efficace, et l’enseignement qui n’éveille pas chez celui qui le reçoit une résonance personnelle ne peut procurer aucune sorte de connaissance ; toute vraie connaissance est un ressouvenir. C’est pourquoi Platon dit que « tout ce que l’homme apprend est déjà en lui » et qu’Ibn Sina (Avicenne) exprime ainsi : « Tu te crois un néant et c’est en toi que réside le monde. ».
    Le Livre de soi-même est le seul qui n’est fermé pour personne.
    Toutes les expériences, toutes les choses extérieures qui l’entourent ne sont pour l’homme qu’une occasion pour l’aider à prendre conscience de ce qu’il a en lui-même. Cet éveil est ce que Platon appelle anamnésis, ce qui signifie « réminiscence ». Si cela est vrai pour toute connaissance, ce l’est d’autant plus pour une connaissance plus élevée et plus profonde, et quand l’homme avance vers cette connaissance, tous les moyens extérieurs et sensibles deviennent de plus en plus insuffisants jusqu’à perdre finalement toute utilité. S’ils peuvent aider à approcher la sagesse à quelque degré, ils sont impuissants à l’acquérir réellement, quoiqu’une aide extérieure puisse être utile au début, pour préparer l’homme à trouver en lui et par lui-même ce qu’il ne peut trouver ailleurs et particulièrement ce qui est au-dessus du niveau de la connaissance rationnelle. Il faut, pour y atteindre, réaliser certains états qui vont toujours plus profondément dans l’être, vers le centre qui est symbolisé par le cœur et où la conscience de l’homme doit être transférée pour le rendre capable d’arriver à la connaissance réelle. Ces états qui étaient réalisés dans les mystères antiques étaient des degrés dans la voie de cette transposition du mental au cœur.
    « La vérité se révèle plutôt au cœur de l’homme qu’à sa raison », dit Hippolyte Destrem, parce que le cœur de l’homme est inspiré par l’Esprit féminin.
    Pour trouver la Vérité, il n’y a que deux voies à suivre : celle de la Science et celle de l’Amour.
    La Religion, c’est la voie de l’Amour.
    L’Amour, c’est le lien moral qui unit l’homme à l’Esprit féminin, et c’est ce lien qui est la Religion.
    L’esprit, dit Basilide, c’est l’Âme de l’Âme, pour ainsi dire ; il s’unit à elle, il l’éclaire, il l’arrache à la terre et l’élève avec lui dans le ciel.
    À ce moment-là, l’Âme possède les moyens voulus pour procéder à sa transmutation spirituelle, pour opérer, en toutes ses parties, le miracle des « Noces de Cana », Mariage parfait et céleste. Voyez Gustav Meyrink faisant référence à cette Union dans « Le Visage vert » : « Mais si un homme réussit à franchir le « pont de la vie », c’est un bonheur pour le monde (…) Mais une chose est nécessaire : un seul ne peut y réussir, il a besoin pour cela d’une compagne. L’union d’une force masculine et d’une force féminine. C’est là le sens secret du mariage, que l’humanité a perdu depuis des millénaires. ».
    La littérature bouddhiste décrit avec pittoresque cette réunion sous le nom de Sahaja « nés ensemble ».
    Dans la méditation, Jill Purce dit que l’aspiration mystique qu’a l’âme de l’homme pour l’esprit est portée à sa maturation de sorte que la dualité de l’esprit et de l’âme fusionnent en la « conjonction » du conscient et de l’inconscient dans le cœur (La Spirale Mystique).
    La confrontation avec le Golem de Gustav Meyrink, figure une descente dans les profondeurs de l’inconscient. Annie Amartin-Serin dit, au sujet de cette confrontation, que « Ce sont autant d’épreuves dans un parcours initiatique ouvrant sur une renaissance, une libération de son moi spirituel (…) Cette délivrance permet le triomphe de son moi idéal ». Ainsi, le personnage de Pernath parvient à cette union mystique à laquelle il aspirait à travers son amour pour la figure angélique de Myriam.
    Une fois que l’on a saisi l’essence de cette transformation, de nombreux évènements et tendances qui nous entourent de près ou de loin et demeuraient inexplicables, trouvent une cohérence.
    Dans Mysterium conjunctionis (tome II), Carl Gustav Jung ajoute que la « transformation » est un miracle qui ne peut s’accomplir sans l’aide de « Dieu » :
    « Regnum Dei intra vos est » : Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous.
    « Alors, soudainement, à son heure, Dieu vient. Cette expérience capitale est une perception certaine, immédiate, de Dieu. La certitude absolue se fait jour que l’on n’est pas seul au dedans de soi. Il semble que, sur tous les points, on se sente en contact avec un être de même nature, sympathique, incommensurablement plus sage, stable et désintéressé. C’est une impression analogue, mais plus complète et plus intime, à celle que l’on éprouve aux côtés d’une personne tendrement aimée et en qui l’on a une entière confiance. » (H. G. Wells, Dieu, l’invisible Roi).
    Toutes les initiations, toutes les doctrines mythologiques, ne tendaient qu’à alléger l’Âme du poids de la matière, à l’épurer, à l’éclairer par l’irradiation de l’intelligence, afin que, désireuse des biens spirituels et s’élançant hors du cercle des générations, elle pût s’élever jusqu’à la source de son existence. C’est la parabole de l’enfant prodigue, parcours d’un être singulier accédant après diverses épreuves à sa dignité et à sa liberté en renouant avec sa filiation divine ; « spirale mystique » ou aventure de l’Âme venue ici-bas, qui se grise et s’éparpille parmi les plaisirs de l’existence terrestre, puis, après cette vie passée dans la « caverne », se réveille, tel un Phénix renaissant de ses cendres, et entreprend de retourner à l’éternelle demeure, berceau lumineux où Elle recouvre sa splendeur.
    « Ainsi devras-tu dégager de toi l’être immortel qui dort son calme sommeil et le tendre vers la clarté divine. Comme du ver naît le papillon, de l’homme rampant naîtra l’ange à l’esprit lumineux. Cherche en toi les mystères que tu veux connaître : l’homme possède en lui le miroir profond qui réfracte la Vérité. Mais, de même qu’un lac troublé agité par le vent reflète imparfaitement l’azur, l’âme agitée ou troublée par les passions ne peut refléter dans toute sa pureté la Vérité sacrée. Calme donc en toi les vains tourments de la vie, libère-toi des attaches d’en bas, et la révélation attendue t’apparaîtra éblouissante et claire. Que ton seul ennemi soit l’ennemi caché en toi, car c’est toi-même qu’il faut vaincre. » (M. Boué de Villiers, Les Chevaliers de la Table Ronde).
    « L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux » rappelle Alphonse de Lamartine.
    En chacun de nous il y a un « roi ». Parle-lui et il apparaîtra, dit aussi un proverbe scandinave.
    Les différents cultes qui ont passé sur la terre n’avaient pas d’autre but et obéissaient au même esprit. La connaissance de « Dieu » a été partout offerte comme le terme de la sagesse, sa ressemblance comme le comble de la perfection, et sa jouissance comme le suprême objet de tous les désirs.
    Le bonheur, a dit Eckhart von Hochheim (dit Maître Eckhart), est l’état créateur dans lequel on se trouve lorsque l’Âme comprend Dieu.
    Maurice Maeterlinck disait « On dirait que nous approchons d’une période spirituelle. Il y a dans l’histoire un certain nombre de périodes analogues, où l’âme, obéissant à des lois inconnues, remonte pour ainsi dire, à la surface de l’humanité et manifeste plus directement son existense et sa puissance. Cette existense et cette puissance se révèlent de mille manières inattendues et diverses. Il semble qu’en ces moments l’humanité ait été sur le point de soulever un peu le lourd fardeau de la matière. » (Le trésor des humbles)
    Bon dimanche.

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